Imaginez que votre ordinateur prenne une photo de votre écran toutes les cinq secondes, enregistrant chaque e-mail que vous lisez, chaque mot de passe que vous saisissez, chaque conversation que vous avez. C’est précisément ce que propose la fonction Recall de Microsoft, une nouveauté intégrée aux PC Copilot+ sous Windows 11. Présentée comme un outil pour retracer vos activités numériques, elle soulève des questions brûlantes sur la protection de vos données personnelles. Qu’est-ce que Recall exactement ? Pourquoi pose-t-elle problème ? Et surtout, comment pouvez-vous vous en protéger ? Je vous emmène dans les méandres de cette fonctionnalité controversée, avec un regard critique et des solutions concrètes, comme l’adoption de Linux pour préserver votre anonymat.
Qu’est-ce que Recall, et comment fonctionne-t-elle ?
Recall est une fonctionnalité d’intelligence artificielle qui agit comme une mémoire numérique. Elle capture des instantanés de votre écran toutes les cinq secondes, créant une sorte de journal visuel de tout ce que vous faites sur votre ordinateur. Vous cherchez un document que vous avez ouvert il y a trois jours ? Recall vous permet de le retrouver en recherchant des mots-clés ou des images associées. Sur le papier, c’est pratique : imaginez pouvoir remonter le temps pour retrouver une page web que vous avez fermée par erreur ou un message que vous avez lu en diagonale.
Techniquement, Recall s’appuie sur des processeurs spécifiques aux PC Copilot+, avec au moins 16 Go de RAM et 256 Go de stockage. Les données sont stockées localement dans une base SQLite, chiffrées lorsqu’elles ne sont pas utilisées, et accessibles uniquement après authentification via Windows Hello (un PIN ou une biométrie). Microsoft a aussi intégré des filtres pour exclure certains contenus sensibles, comme les mots de passe ou la navigation privée sur des navigateurs comme Edge ou Firefox. Mais voilà, malgré ces précautions, Recall n’est pas exempte de failles, et c’est là que les choses se compliquent.
Pourquoi Recall pose-t-elle problème ?
Vous est-il déjà arrivé de partager votre ordinateur avec un proche ou de le laisser sans surveillance quelques minutes ? Avec Recall, ces moments anodins pourraient devenir risqués. Voici pourquoi cette fonctionnalité inquiète, en particulier pour votre vie privée.
Une mémoire trop indiscrète
Recall enregistre presque tout ce qui passe sur votre écran. Une conversation privée sur WhatsApp, un numéro de carte bancaire saisi dans un formulaire, un e-mail confidentiel : tout peut être capturé. Bien que Microsoft propose des filtres pour bloquer certaines données sensibles, ces filtres ne sont pas infaillibles. Par exemple, un numéro de compte bancaire ou un message personnel intégré dans une page web pourrait passer entre les mailles du filet. Imaginez un instant que quelqu’un accède à ces instantanés : il aurait un accès direct à votre vie numérique.
Une base de données vulnérable
Les données de Recall sont stockées localement, ce qui pourrait sembler rassurant. Mais cette base de données SQLite n’est pas chiffrée pendant que vous utilisez votre ordinateur. Si un pirate, ou même un proche mal intentionné, accède à votre appareil, il pourrait extraire ces informations. Des chercheurs en sécurité, comme Alexander Hagenah, ont déjà créé des outils pour récupérer les données de Recall, prouvant que la sécurité actuelle est fragile. Pire encore, Recall est vulnérable à des attaques sophistiquées, comme l’injection de prompts, où un hacker pourrait manipuler l’IA pour révéler des informations sensibles.
Des risques au-delà de la technique
Au-delà des failles techniques, Recall pose des questions humaines. Dans un contexte personnel, un partenaire abusif pourrait exiger l’accès à votre PIN Windows Hello pour surveiller vos activités. Dans un cadre professionnel, vos employeurs pourraient, en théorie, accéder à vos instantanés, même si vous travaillez sur des projets personnels pendant vos pauses. Et si vous êtes impliqué dans un litige, ces données pourraient être utilisées contre vous dans une procédure judiciaire. Avec Recall, ce type de surveillance pourrait devenir bien plus intrusif.
Une conformité incertaine
Si vous vivez en Europe, vous savez que le Règlement général sur la protection des données (RGPD) impose des règles strictes sur la collecte des données. Recall, en capturant des informations sans votre contrôle total, pourrait enfreindre ces règles. Les entreprises utilisant des PC Copilot+ devront aussi se poser des questions sur des normes comme PCI DSS (pour les paiements par carte) ou HIPAA (pour les données médicales). Microsoft travaille sur des ajustements, mais pour l’instant, la conformité reste floue.
Pourquoi s’en inquiéter, et pourquoi agir ?
Vous pourriez vous dire : « Si je n’ai rien à cacher, quel est le problème ? » Mais la vie privée, c’est aussi une question de contrôle. C’est décider qui a accès à vos pensées, vos projets, vos moments intimes. Recall, même avec ses garde-fous, réduit ce contrôle. Chaque instantané est une porte ouverte sur votre vie, et il suffit d’une faille – technique ou humaine – pour que cette porte soit forcée. Réfléchissez-y : combien de fois avez-vous entendu parler d’une fuite de données ou d’un appareil piraté ? Avec Recall, les conséquences pourraient être bien plus personnelles.
Comment échapper à Recall ?
Heureusement, vous n’êtes pas condamné à accepter Recall. Microsoft a prévu des moyens de limiter son impact, et il existe des alternatives radicales pour reprendre le contrôle de votre vie privée. Voici comment procéder.
Désactiver Recall sur Windows
Si vous utilisez un PC Copilot+, vous pouvez limiter l’impact de Recall sans quitter Windows. Voici les étapes concrètes :
- Désactivez Recall au démarrage : Par défaut, Recall est désormais une option que vous devez activer manuellement. Si vous ne l’avez pas encore activée, ne le faites pas. Si elle est active, allez dans Paramètres > Confidentialité et sécurité > Recall et instantanés et désactivez-la.
- Filtrez les applications et sites : Vous pouvez exclure des applications spécifiques (comme votre messagerie) ou des sites web sensibles. Dans les mêmes paramètres, ajoutez les programmes ou URL que vous ne voulez pas voir capturés.
- Supprimez les instantanés : Si Recall a déjà enregistré des données, vous pouvez les supprimer manuellement dans les paramètres. Faites-le régulièrement pour limiter les risques.
- Mettez en pause temporairement : Une icône dans la barre des tâches permet de suspendre les captures d’écran, utile si vous travaillez sur quelque chose de sensible.
Cependant, il y a une limite : vous ne pouvez pas désinstaller Recall complètement. Elle reste présente sur votre appareil, comme une ombre à l’affût. Si cela vous gêne, il est temps de considérer une alternative plus robuste.
Passer à Linux : une solution pour la vie privée
Pour ceux qui veulent reprendre pleinement le contrôle, Linux est une option à privilégier. Contrairement à Windows, Linux est un système d’exploitation open source, ce qui signifie que son code est transparent et vérifiable par la communauté. Voici pourquoi Linux est un choix judicieux et comment commencer.
Pourquoi choisir Linux ?
- Pas de Recall ni d’équivalent : Linux ne capture pas vos activités par défaut. Vous décidez exactement ce que votre système fait, sans fonctionnalités intrusives imposées.
- Contrôle total : Avec Linux, vous configurez votre système selon vos besoins. Vous pouvez chiffrer votre disque dur, limiter les processus en arrière-plan, et même auditer le code source pour vérifier l’absence de mouchards.
- Distributions axées sur la vie privée : Des distributions comme Tails ou Qubes OS sont conçues pour maximiser l’anonymat et la sécurité. Tails, par exemple, fonctionne depuis une clé USB et ne laisse aucune trace sur votre appareil.
- Communauté vigilante : La communauté Linux est connue pour signaler et corriger rapidement les failles de sécurité, contrairement aux systèmes propriétaires où les mises à jour peuvent être lentes.
Comment passer à Linux ?
Passer à Linux peut sembler intimidant, mais c’est plus accessible que vous ne le pensez. Voici comment débuter :
- Choisissez une distribution adaptée :
- Pour les débutants : Pop_OS ou Linux Mint. Ils sont conviviaux, avec une interface proche de Windows.
- Pour la vie privée : Tails (pour un usage temporaire) ou Qubes OS (pour une sécurité maximale, mais plus technique).
- Pour les utilisateurs intermédiaires : Fedora ou Manjaro, qui offrent un bon équilibre entre simplicité et contrôle.
- Testez avant d’installer : La plupart des distributions permettent de créer une clé USB bootable pour essayer Linux sans toucher à votre système actuel. Utilisez un outil comme Rufus pour créer cette clé.
- Installez Linux : Si vous êtes prêt, suivez les instructions de la distribution choisie pour installer Linux. Vous pouvez remplacer Windows ou créer un dual-boot pour garder les deux systèmes.
- Sécurisez votre installation :
- Activez le chiffrement du disque dur lors de l’installation.
- Installez des outils comme Tor Browser pour naviguer anonymement ou VeraCrypt pour chiffrer des fichiers.
- Mettez à jour régulièrement votre système pour bénéficier des dernières corrections de sécurité.
Autres alternatives pour protéger vos données
Si Linux vous semble trop radical pour l’instant, voici d’autres moyens de limiter les risques liés à Recall :
- Utilisez un compte local : Évitez de lier votre PC à un compte Microsoft. Un compte local réduit la collecte de données par Microsoft.
- Chiffrez vos fichiers sensibles : Utilisez des outils comme VeraCrypt pour créer des conteneurs chiffrés où stocker vos documents importants.
- Naviguez anonymement : Préférez des navigateurs axés sur la vie privée, comme Tor Browser ou Brave.
- Mettez à jour vos habitudes : Soyez vigilant sur ce que vous affichez à l’écran. Par exemple, utilisez un gestionnaire de mots de passe (comme Bitwarden) pour éviter de taper vos identifiants à la main.
Réflexions finales : reprendre le contrôle
Recall est un exemple frappant de la tension entre commodité et vie privée. D’un côté, elle promet de simplifier votre quotidien ; de l’autre, elle expose vos données à des risques bien réels. En tant qu’utilisateur, vous avez le pouvoir de décider jusqu’où vous êtes prêt à aller pour protéger votre anonymat. Désactiver Recall est un premier pas, mais pour une tranquillité d’esprit durable, Linux offre une alternative robuste, soutenue par une communauté qui place la liberté et la sécurité au premier plan.
Pensez à votre ordinateur comme à votre maison : vous ne laisseriez pas une caméra enregistrer chaque pièce sans votre permission. Alors, pourquoi accepter cela pour votre vie numérique ? Prenez le temps d’explorer Linux, d’expérimenter avec une clé USB bootable, ou au moins de configurer Windows pour minimiser les intrusions. Votre vie privée est un trésor, et il ne tient qu’à vous de le protéger.
Quelles sont vos pensées sur Recall ? Avez-vous déjà essayé Linux, ou préférez-vous d’autres solutions pour sécuriser vos données ? Partagez vos expériences, et continuons à construire un internet où la vie privée n’est pas un luxe, mais un droit.
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